Ça m'arrive des fois de spotter des clients au style vestimentaire tellement hot que j'ai tout de suite envie de les dessiner. Ça m'était arrivé
ici, et là ça vient de me reprendre cette semaine. Ça va pas paraître politically correct dit de même, mais j'ai vu un couple de lesbiennes absolument fabuleuses, habillées à la garçonne avec des suits de militaires du genre guerre de sécession. L'une d'elles portait des shorts très courts et des Chuck Taylors, ce qui donnait l'impression qu'elle avait des jambes infinies et surtout infiniment minces. Je trouvais ça trop l'fun à regarder, j'ai pas pu m'empêcher d'attraper un bout de papier thermique et de la dessiner en quatrième vitesse. Une fois chez nous, j'ai dessiné de quoi de tout-à-fait aléatoire.
J'aime bien ce que ça a donné, y a quelques erreurs probablement évidentes (notamment les pieds du pigeon, c'est maintenant que je vois qu'ils auraient dû être plus espacés... merde), mais en gros j'suis satisfaite. Je trouve ses souliers très réussis, c'est ma partie préférée. Ce qui est dommage, c'est que son corps était très crédible avant que je lui mette son énorme manteau de guerre, je vous jure; mais maintenant elle a l'air de flotter dedans et on dirait que j'ai chié l'anatomie. Bon, euh, je me reprendrai.
Les jambes dépliées, elle doit bien mesurer trois mètres...
Cette semaine, c'était vraiment la semaine internationale des gens bizarres à la SAQ. On a passé tellement de phénomènes---un gars qu'on a pogné en train d'essayer de voler du Jack Daniel's, un autre qui a essayé de se pousser avec du champagne, un bonhomme qui vient se plaindre que le quêteux devant notre porte était toujours là et qu'il laissait pas quêter les autres... mais surtout, deux cas très spéciaux qui valent la peine d'être racontés en détails.
Un bonhomme me fait signe qu'il a besoin d'aide, je m'approche. Il me pose la meilleure question du monde.
- Oui, est-ce que vous avez la bouteille d'Argentine?
- ...Pardon?
- Tsé, la bouteille d'Argentine, là.
- ...Laquelle?
- Ben tsé, là...
Et là il se met à fucking mimer la bouteille. C'est dur à expliquer par écrit, mais en fait il était en train d'essayer de m'expliquer que le goulot de la bouteille était croche, comme le J.P. Chenet, ou la Fiole du Pape, quoi. Un goulot croche, quoi. Une bouteille qui a l'air d'une vieille bouteille, quoi.
- Je suis désolée, monsieur, mais je sais pas de quelle bouteille vous parlez.
- Ben oui, la bouteille, là! Vous avez des produits de l'Argentine ici?
- Bien sûr, monsieur, les voici. Mais je suis certaine que j'ai pas celle que vous cherchez.
- Vous pouvez faire une recherche dans l'ordinateur?
- Euh... ça va être difficile de faire une recherche sans savoir le nom du vin... vous savez combien vous l'aviez payée, à peu près?
- Bof... douze... quatorze...
Donc le p'tit monsieur veut que je fasse une recherche dans l'ordi sans savoir le nom du vin en question ni son prix? Ça donnera pas grand-chose. Une fois qu'il a vu que ça donnait rien et après que je me sois excusée de ne pas avoir pu l'aider, il dit:
- Bah, c'est pas grave... De toute façon, je me promenais... je cherchais ma fille...
- ...
- J'l'ai pas trouvée encore, ma fille... m'as attendre un peu avant d'appeler la police...
- ...
- Tsé, elle a dix-sept ans... en tout cas, merci!
Pis il s'en va. Euh, pardon? Il avait tellement pas l'air dramatique, on aurait dit qu'il me racontait ça juste pour le trip d'avoir l'air intéressant. C'est quoi le but, de passer pour un martyr? Une heure plus tard, je l'ai vu passer sur le trottoir en mangeant un cornet de crème glacée. Ouin, les recherches sont fructueuses!
Une autre journée, alors qu'il y a presque personne dans le magasin parce que c'est le début de l'après-midi, une bonne femme à l'allure louche s'approche de moi à la caisse. Elle faisait vraiment dur: elle portait une mini-jupe en jeans, une affreuse camisole et son maquillage avait l'air d'être à l'envers---elle s'était mis du eyeliner sur la paupière d'en bas, mais il y avait tellement d'espace entre son oeil et sa ligne de maquillage qu'elle avait des airs de joueur de football.
Bref. En tout cas, la bonne femme, elle était vraiment paquetée et se tenait à peine debout, et tout de suite j'ai su qu'il fallait vraiment pas que je lui vende quoi que ce soit. Elle dit, sa face à environ trois pouces de la mienne, me soufflant son haleine de tonne:
- T'as tu ça icitte, là... du Tia Maria avec des vers de terre dedans?
- ...Si j'ai quoi? Du Tia Maria avec des vers de terre?!
- ...Ouin?
- Euh... non, j'ai pas ça ici.
- T'as jamais entendu parler de ça?
- Non, madame, jamais, désolée, j'ai pas ça ici. (Autrement dit, câlisse donc ton camp, tu m'écoeures!)
- Ah ouin... dis-moé pas qu'y va falloir que j'aille jusqu'au Mexique pour en trouver... ben merci...
J'ai comme pas osé lui dire que c'était normalement de la téquila et des chenilles, ça me tentait pas de m'obstiner avec elle, donc elle s'en va. Un autre client arrive et me dit qu'elle avait mis une bouteille dans sa sacoche. Mais of course! Ça te tentait pas de me le dire avant qu'elle soit partie, mon homme? C'est typique des voleurs, ça; te poser une question vraiment absurde pour être sûrs que tu vas répondre non, pis se pousser avec une bouteille.
Bon, sur ce, je dois aller travailler, justement.